L'homme marchait seul, cherchant l'homme qu'il était avant le commencement du monde.

Charlotte O'Streack



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29 MARS 85

 

Des jours où tout déborde, où l'aveuglement est tel que je me heurte à tous les murs.

La présence qui occupe mon ven­tre.

Est-il possible que nous soyons ici pour endurer cela? Pourquoi ces jour­nées, ces nuits où l'esprit erre et se brûle à la glace froide de l'in­différence?

Toujours les mêmes questions, que vais-je faire? Pourquoi?

Et cette ré­ponse d'ignorant qui ré­sonne sans cesse "je ne sais pas, je ne sais pas".

Cette inquiétude qui ne s'endort jamais complè­te­ment, que j'apprivoise à coup de kilomètres, de nouvelles têtes et d'alcool.

Cette reconnaissance de mon suc­cès dont je n'arrive pas à profiter car il me semble con­tre nature;

Cette jouissance que la bête du ventre trans­forme en chute enivrante.

Ces questions auxquelles j'ai essayé tant de réponses sans en trouver une qui fasse.

Il doit y avoir quelque part quelqu'un qui sait. Il doit y avoir quelque chose qui est suffi­sam­ment valo­risant pour que nous ne som­brions pas.

Peut-on ignorer tout le reste, tous les autres?

Peut-on passer son temps à se gagner sa vie de tous les jours?

Peut-on laisser filer son temps sans réagir, en lais­sant fermées les portes qui font des courants d'air auxquels notre âme est bien trop sensible?

Je voudrais crier ASSEZ! Ma violence contenue m'épou­van­te.

Où partons-nous? Est-il possible qu'il y ait tant d'an­goisse en si peu de minutes.

Si j'ai l'air de refuser les gestes des autres vers moi, ce n'est pas par orgueil ou toute autre raison aussi stupide, mais plutôt parce que ma plaie me fait si mal que le moindre geste pour l'expliquer et même la panser me fait hurler.

Il n'y a pas d'explica­tions, il n'y a pas d'aide possible, il n'y a pas de remède miracle. Il y a juste quelques épaules sur les­quelles je peux pleurer et sentir ma peur qui s'en va, ou du moins qui se rétracte un peu face aux gestes de dou­ceur.

Il y a des jours où pas un mot ne m'est pas un fer brûlant.

Une main sur mon front, sans pourquoi sans ques­tions, une main qui communique avec ma peau et patiemment fait le chemin jusqu'à mon âme.

Je cherche, je m'agrippe depuis des années, je n'ai rien trouvé.

La sérénité est un vain mot.

J'ai sou­haité mourir mais cette peur même m'a fait refuser la mort sous le prétexte fallacieux que ma dispari­tion allait blesser les autres. Sornettes, lâcheté devant la balle qui éclate la peau, hache la chair et donne au sang un chemin dont il ne revient pas.

Le suicide, une lâcheté? Laissez-moi rire; avez-vous re­gardé le sol depuis une fenê­tre ouverte d'un trentième étage? Avez-vous aligné les pilu­les en procession de mort sur la tablette de la salle de bain? Avez-vous appuyé le canon froid d'une arme sur votre tempe? Là on ne rit plus; le défi lancé à la mort va s'ac­com­plir.

La petite idée, que nous avons derrière la tête, est fausse, il n'y a pas toujours quel­qu'un pour s'in­terpo­ser au dernier instant. On ne peut pas goûter à la mort pour se faire vraiment peur et en revenir. On meurt ou on ne meurt pas.

Je cours le monde, pas tant à la recherche de quelque chose, mais bien plutôt parce que je fuis l'image de moi-même.

Je vole et ne m'arrête jamais assez long­temps pour que je me recon­naisse. Je me suis enivré à longueur de mois avec la mes­quine excitation d'une promotion sociale.

Ca me gênait aux entournures mais j'ai l'habitude de porter mes vêtements étroits. Ca a sauté. Au moment le plus inattendu. J'aurais pu résister, si j'avais su l'immi­nence de l'explo­sion, comme j'ai résisté dans le passé.

Mais là mon corps m'a lâchement abandonné, ou bien peut-être en avait-il assez de ne servir que de matériel pour lequel je n'avais qu'ingrati­tude.

Vous voyez, ce n'est pas grand chose, c'est cette égratignure qui refuse de guérir; c'est cette haine de moi-même qui grandit et proli­fère au point de tout me pren­dre; C'est cette incom­préhension que je témoigne aux autres parce que c'est plus simple; c'est cette mauvaise cons­cience que j'es­saie d'oublier en fermant les yeux sur toutes mes com­promissions.

On vit toujours par rapport à quelqu'un, en référence à quelqu'un ou à quelque chose... alors...

La ligne sur laquelle on avance est fine et fragile. A nous de la consolider sans perdre le but de vue. Je me suis trop écartée; j'ai perdu mon but de vue pendant de trop longues années.

Le brouillard n'aide pas; J'a­per­çois parfois un instant quelqu'un qui fait une apparition et je me jette sur ses traces mais bien vite la piste est brouillée et je continue à errer…