L'homme marchait seul, cherchant l'homme qu'il était avant le commencement du monde.

Charlotte O'Streack



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EXTRAIT

 

Chapitre 1

       

 

 

 

 

Robert Blanc et sa femme regardaient "Faut pas Rêver", lorsqu’ils entendirent le chien gronder à l’extérieur.

L’homme se leva, prit une torche dans un placard de l’entrée, alluma le porche et sortit.

 

Le doberman alternait grondements et aboiements secs en tirant sur sa chaîne. Robert Blanc descendit les quatre marches et s’approcha de son chien. Il alluma la puissante torche et la dirigea vers les buissons, à une vingtaine de mètres de la porte. Il fit quelques pas, et un superbe lapin déboula en pleine lumière. Il resta tétanisé une seconde pris dans le cône de lumière, puis en deux bonds il regagna l’abri des buissons.

Le doberman continuait à gronder.

-        Du calme Voyou, ce n’est qu’un lapin, dit l’homme en caressant le chien d’une poigne ferme.

L’homme, à peine voûté par ses soixante-dix ans, frôlait le mètre quatre-vingt-dix ce qui lui évitait de paraître gros malgré ses cent trente kilos. Seul signe d’un abus de bonne chère et d’alcool, son ventre, qui distendait sa chemise,  le précédait avec une certaine arrogance. Il regagna la maison, et éteignit le porche.

 

-        Qu’est ce qu’il a, demanda Chantal  Blanc, sa femme depuis près de quarante ans ?

-        Ce couillon a senti un lapin, répondit Robert. Il faudra l’enfermer demain, il ne faudrait pas qu’il morde l’un des invités.

Sa femme retourna son regard vers l’écran du téléviseur, sur lequel on pouvait voir un reportage sur la Thaïlande.

-        On devrait aller passer quelques jours là bas, reprit Chantal.

-        Si tu veux après les vendanges, je m’en occuperai la semaine prochaine, répondit-il.

Le générique de fin d’émission commença à défiler, et Chantal éteignit le téléviseur. Ils gagnèrent leur chambre à l’étage.

-        Le vent se lève, dit Robert en fermant les volets de la chambre. J’espère qu’il ne pleuvra pas demain, cela gâcherait tout.

-        Ne t’inquiète pas, tout ira bien, répondit sa femme

 

* * *

A une trentaine de mètres de la maison une ombre était tapie dans les buissons de genêt depuis plus d’une heure. Lorsque Blanc était sorti, l’ombre avait lâché le lapin acheté le matin à une ferme à cent kilomètres de Bandol.

Quelques minutes après que Blanc fut rentré, l’ombre avait sorti quatre morceaux de viande farcis de somnifère. Les morceaux étaient petits, pour que le chien n’en fasse qu’une bouchée. Il s’était rapidement assoupi.

 

Le visiteur vit la lumière, qui filtrait à travers les volets de la chambre à coucher, s’éteindre vers minuit. Il patienta encore près d’une heure, puis sortit des buissons. Il se dirigea rapidement vers l’arrière de la maison qui étalait ses dépendances sur plusieurs dizaines de mètres.

Un énorme platane étendait ses branches à l’extrémité des bâtiments. L’ombre sauta et s’accrocha à une branche noueuse qui se trouvait à un peu moins de deux mètres du sol. Le visiteur, habillé d’une fine combinaison de plongée, fit un rétablissement et se retrouva bientôt à cheval sur la grosse branche. Il se redressa, passa à la branche supérieure, puis à une autre.

Il dénoua la corde attachée à sa ceinture et dont l’autre extrémité se perdait dans son sac à dos. Il vérifia qu’elle coulissait facilement, et la noua solidement à une grosse branche, puis il s’allongea sur celle qu’il chevauchait, serrant le bois entre ses cuisses. Il avança lentement jusqu’à se retrouver au-dessus du toit. La corde se déroulait derrière lui. Il posa les pieds sur le toit qui était à peine à un mètre du feuillage.

Le vent faisait bruire ce dernier, étouffant les petits bruits qui auraient pu le trahir. Il marcha lentement le long du toit, jusqu’à rejoindre le chevron d’arêtier qui pourrait supporter son poids. Il avança lentement, presque jusqu’au faite du toit. Il trouva le fenestron qui était à environ un mètre de la croupe du toit. Il savait qu’un chevron supportait le fenestron. Il s’engagea lentement sur les tuiles, sa main gauche effleurant le faite avec précaution pour ne pas déplacer de tuile. Ses chaussettes de plongée adhéraient bien aux tuiles.

Il s’accroupit près du fenestron, se défit de son sac qu’il accrocha à sa ceinture avec un mousqueton. Il ouvrit le petit sac et entreprit de nouer la corde à l’extrémité d’une échelle métallique enroulée sur elle-même au fond du sac. Elle était constituée de deux câbles d’acier gainés de plastique, reliés entre eux par des barreaux en acier. Il l’avait achetée dans un magasin de sport où se fournissaient les passionnés de spéléologie.

Ensuite, il prit une petite bombe de dégrippant antirouille, et en pulvérisa abondamment sur les charnières et le loquet du fenestron. Il patienta quelques minutes, puis ouvrit le loquet et souleva le panneau de verre.

Un petit grincement se fit entendre mais le vent le couvrit. Il se pencha vers l’ouverture noire jusqu’à avoir la tête à l’intérieur, et alluma sa lampe frontale. Il vérifia que rien ne gênerait sa descente, puis il éteignit la lampe. Il déroula l’échelle la retenant avec une fine cordelette pour éviter qu’elle fasse du bruit, et entreprit la descente le long de cette dernière. La cave n'avait pas de plafond, et le toit était à plus de six mètres de haut.

Lorsqu’il toucha le sol, il reprit son souffle, puis alluma la deuxième ampoule de sa lampe qui était moins violente que la précédente. Il regarda les grands foudres qui contenaient chacun près de dix milles litres de vin. 

La cave contenait ainsi une vingtaine de ces foudres, mais les quatre qui intéressaient le visiteur étaient au fond.

 

Robert Blanc les couvait. Ils contenaient du vin vieilli en fut pendant cinq ans, ce qui était exceptionnel et représentait un investissement à long terme.

Chaque bouteille était vendue plus de cinquante euros à la sortie de la propriété, et toutes étaient payées d’avance. Cela avait permis à Robert Blanc de sortir d’une situation financière précaire.

La mise en bouteille allait commencer le lendemain au cours d’une fête champêtre à laquelle tout le banc et l’arrière banc du département étaient invités.

 

Le visiteur se hissa sur le premier foudre. Il sortit une chignole à main et entreprit de percer la douelle épaisse de cinquante millimètres à l’arrière du foudre. Cela lui prit une bonne dizaine de minutes.

Il sortit du sac une boite dans laquelle se trouvaient quatre seringues terminées par des cathéters et contenant chacune vingt centilitres de nitrate de plomb fortement concentré.

Il prit une seringue, introduisit le cathéter dans l’orifice qu’il avait percé, et poussa le piston de la seringue. Il boucha soigneusement le trou avec un peu de pâte à bois, et gagna le deuxième foudre, pour procéder à la même opération; il procéda de la même manière  pour les deux derniers foudres.

 

Il consulta sa montre. Il était dans la cave depuis une heure et demie. Il remballa son matériel et regagna l ‘échelle qu’il escalada rapidement.

 

Redescendre du toit en utilisant le platane fut un jeu d'enfant.

Il regagna rapidement le chemin par lequel il était arrivé et rejoignit sa voiture à trois kilomètres de là. Il enfila un survêtement par-dessus la combinaison et démarra.

Il rejoignit le village du Castellet, et pris la départementale vingt-six en direction de Sainte Anne du Castellet qu’il laissa derrière lui.

Après deux ou trois kilomètres, il se gara sur le bord de la route et changea rapidement les plaques minéralogiques de la Mégane. Il traversa Aubagne, et prit l’autoroute en direction de Marseille qu’il laissa derrière lui.

 

* * *

Vers vingt heures le jour suivant, tous les invités de Robert Blanc étaient arrivés. Une centaine de personnes se tassait dans la cave, essayant de voir le maître des lieux qui s’apprêtait à mettre en perce le premier foudre de Domaine Bertrande, l’un des meilleurs crus de Bandol. On s’attendait à un vin exceptionnel.

 

Blanc prit un robinet de bois qu’il plaça sur l’orifice du foudre fermé par un bouchon. Il prit un maillet de bois et le tendit à Jean Pastrel.

-        Monsieur le Président, si tu veux bien aider le Maire que je suis à porter l’estocade !

Pastrel s’exécuta et seules quelques gouttes de vin s’échappèrent. Robert Blanc emplit deux verres, et en tendit un à Jean Pastrel, ami d’enfance avec lequel ils se soutenaient depuis quarante ans dans leurs carrières politiques respectives.

Pastrel était Député du Var et président du conseil général. Blanc était Maire du Castellet depuis quarante ans et député du Var depuis une dizaine d’années.

 

Les deux hommes goûtèrent le vin et eurent un sourire ravi. Ils se donnèrent l’accolade pendant que plusieurs ouvriers vendangeurs remplissaient les bouteilles qui commencèrent à circuler.

Quelques minutes plus tard les invités avaient regagné le jardin et s’attaquaient au buffet campagnard comme un essaim de sauterelles s’abat sur un champ africain.

 

* * *

Les derniers invités quittèrent le domaine vers deux heures du matin en espérant que les gendarmes tourneraient la tête ou resteraient chez eux. Après tout, le capitaine Marchand était aussi de la fête.

Les employés rangèrent les restes peu nombreux du buffet.

Robert et Chantal  Blanc gagnèrent leur chambre vers quatre heures trente, et sombrèrent tous les deux dans un profond sommeil.

Vers six heures Chantal fut prise de crampes. Elle se traîna jusqu’aux toilettes et vomit, l’estomac torturé.

Elle se releva en titubant, et entra dans la salle de bain où elle s’aspergea le visage d’eau froide. Elle regagna la chambre dans laquelle Robert ronflait bruyamment. Elle s’assit au bord du lit essayant de contrôler les spasmes de son estomac en frissonnant.

Une heure plus tard elle descendit jusqu’à la cuisine pour boire une tasse de thé qu’elle ne parvint pas à garder. Pliée au-dessus de l’évier, elle rendit le thé et de la bile qui lui laissa un goût acide. Elle se rinça la bouche et se laissa tomber sur une chaise.

 

Vers sept heures, Robert Blanc la trouva toujours assise au même endroit.

-        Tu n’as pas l’air bien, remarqua-t-il

-        Non. J’ai dû mal digérer. Et toi, ça va ?

-        Un peu barbouillé mais après une telle soirée, rien d’étonnant.

 

Il se fit une tasse de café qu’il but debout, songeant qu’il valait mieux se passer de petit déjeuner.

En milieu de matinée, pendant qu’il surveillait l’embouteillage, il fut pris de crampes. Il serra les dents, mais quelques minutes plus tard il dût quitter la cave, et eu juste le temps de gagner les buissons avant de vomir. Il était secoué de frissons. Une sueur froide commença à perler à son front.

Décidément je me fais vieux pensa-t-il.

 

* * *

Vers midi, la plupart des ouvriers, qui avaient participé à la fête, étaient malade.

Robert avait été obligé de se coucher. Chantal décida d’appeler Patrick Moreau leur médecin qui était aussi un ami.

L’assistante du médecin l’informa que ce dernier était souffrant. Elle lui promit de prévenir son remplaçant. Ce dernier arriva au domaine vers treize heures.

Après avoir ausculté Chantal et Robert Blanc, il s’occupa des employés.

-        Vous avez sans doute mangé quelque chose qui avait tourné. Il faut prévenir le traiteur.

-        Il n’y en avait pas. C’était juste un buffet campagnard, tout a été fourni par Maurice Planque, le charcutier du Castellet. Les pâtisseries venaient de la boulangerie du village.

-        Y a t il des restes ? Nous devons les faire analyser.

-        Tout est dans le réfrigérateur de la réserve, Marie va vous montrer, répondit Chantal en désignant la bonne à tout faire qui ne semblait pas avoir souffert d’un quelconque embarras gastrique.

 

* * *

Le soir même il était évident que tous les invités, sauf deux plus Marie, étaient malades.